Pascal Monteil

Quand la broderie se fait peinture

Portrait (C) Raphaël Creton

Photographe, peintre, globe-trotter, poète, brodeur, Pascal Monteil nous fait voyager.

Après des études aux Beaux-arts (Villa Arson à Nice), Pascal Monteil, originaire d’Uzès, s’installera à Paris où il enseignera à l’école préparatoire des Beaux-Arts.
Mais il se sent vite à l’étroit dans cette ville et sa curiosité, sa soif de découverte, le poussera à partir. Il devient nomade. Durant 35 ans, il arpentera les routes d’Asie.

Au grès des pays dans lequel il vivra, il s’imagine céramiste, tisserand, peintre d’icônes en Russie, batelier… De Kyoto au Japon, Calcutta en inde, Istanbul en Turquie, Tabriz en Iran, sa soif de découverte est inépuisable.

Il se nourrit de ces paysages, des diverses atmosphères, de couleurs, des différentes lumières, de littérature, d’histoire, de scènes de vie, de rencontres.

Fasciné par l’Iran, il découvre au détour de ses pérégrinations, un patio persan, dans lequel des hommes, reprisent des tapis. L’image restera gravée dans sa mémoire.

De retour en France, il finit par poser ses valises à Arles, fief de son grand ami Christian Lacroix.

Il installe son atelier sur le toit-terrasse de sa maison où il reconstitue le patio persan de son souvenir. Ce sera son havre de paix, son lieu de travail.

Au loin la chaîne des Alpilles, le Mont Ventoux, l’abbaye de Montmajour, les tours des arènes de la ville emportent, s’il le fallait encore, son imaginaire.

Enfant de la terre, fils de viticulteurs, il connait bien cette garrigue, où en apparence mais en apparence seulement, rien ne bouge.

Pascal vit, respire au travers de ces paysages écrasés de chaleur où le soleil à son zénith clôt les volets des habitations. Mais la vie est là, à l’abri des regards, silencieuse et pourtant active.

Au départ de son travail, Pascal Monteil n’esquisse rien, ne dessine rien, il écrit. Au fil des pages, son âme voyageuse fait naître ses personnages.
Tout est en place dans sa tête, il peut à présent s’installer sur sa terrasse.
En position semi-allongée, sur un fauteuil ottoman, le temps peut s’écouler.
Armé d’une aiguille à matelas, Pascal ne brode pas, il peint.
Sur ses genoux une toile de chanvre ancienne chinée, à ses pieds des pelotes de laine de moutons mérinos de Camargue ou de laine Colbert, Pascal peut broder ainsi durant dix heures.

« L’aiguille, libre et incisive est comme un pinceau
Le fil, comme un tube de couleur pure "

A l’image de cette garrigue où la vie semble s’écouler lentement, Pascal prend son temps.

Le geste est lent. Cette lenteur, découverte en Asie, est devenue son indispensable, elle est son souffle, sa respiration.

Le point de broderie, certes archaïque, est chargé d’histoire, de traditions, de voyages.

La riche gamme de couleur nous transporte de l’Asie jusqu’en Espagne et Italie. Le noir vient souligner encore cette richesse.

Les tapisseries de Pascal Monteil souvent empreintes de tragédie sous-jacente, nous content une histoire. Les personnages se croisent, s’entrechoquent avec leurs états d’âme, leur coutume, leurs apparences. A la fois empreints d’histoire, de mythologie, de littérature, de références bibliques ou simplement fictifs, ils nous parlent, nous interrogent, nous bousculent, mais ne nous laissent pas indifférents.

Vous pourrez admirer "La Reine morte" (tapisserie) au Musée d'art contemporain de Lyon de mars à septembre 2024 dans le cadre de l'exposition consacrée à la collection d'Antoine de Galbert

Tandis qu'une exposition est prévue en 2025 (juin) au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme à Paris regroupant tous les grands formats de Pascal depuis 10 ans. A NE surtout PAS MANQUER !


Avec l'aimable collaboration de Pascal Monteil

La Monja Gitana
Photographie (C) Célia Pernot Courtesy Galerie Regala, Arles.

"Dans Llanto por la Monja Gitana, j’ai parlé de ce besoin de travailler en me déplaçant. Mais La civière de Rimbaud, Summer tapestry, Noé ou Mouche morte, toutes ces tapisseries sont liées à l’exil. Il y a dans l’acte de tisser une véritable violence. Avec une aiguille, on perce une peau dans laquelle on introduit des fils issus d’organismes vivants. Les gens qui font de la tapisserie vous parlent du cri des tissus, cri de la soie, hurlement du chanvre, etc. La tapisserie est le médium nécessaire pour dire l’exil puisque le fait d’exiler des individus, est une violence du même ordre. L’exil est une absence de choix, il n’y a plus de permutations possibles."

"l’aiguille qui tisse est aussi celle qui répare. Mes toiles dessinent une cité refuge pour ceux qui ne comprennent rien au réel."

Pascal Monteil
(Entretien avec Richas Raya)

"Dernier printemps sur terre"- Collection Musée des Arts Décoratifs Photographie (c) Célia Pernot Courtesy Galerie Regala, Arles

"J’ai rencontré Pascal Monteil il y a presque vingt ans. Je l’ai vu cheminer sur sa route initiatique. Il incrustait alors des images dans des images, des personnages un peu contorsionnistes ou naturistes, racontant leurs histoires hermétiques dans des lieux aux perspectives subtilement falsifiées. Déjà une histoire de couture et couturage, de sutures expressives. Puis il est passé par la miniature et la fresque, sortes d’enluminures monumentalement raffinées, savants dédales d’architectures et de personnages définis au plus précis. Déjà une histoire de broderie."

Christian LACROIX

Pour aller plus loin:

Portrait au Madlab du domaine Tarbouriech, Marseillan.(c) Raphael Creton